• Chapitre 3

    Crédits: Fantasy castles 2 by Roys Art on deviant art

    Aura rejoignit son seigneur et maître dans la chambre où il l’avait convoquée, laissant dans le corridor les deux amazones noires à son service. Branag rit silencieusement en percevant les pensées pleines de dévotion que la plus jeune des deux, âgée de seulement huit ans, avait envers sa maîtresse qu’elle servait depuis quelques jours. Naéma d’Amariel… Il faudrait quand même la surveiller de près, même si son esprit était innocent. Il avait dû faire exécuter ses parents l’année précédente. À cause de l’incompétence de certains de ses serviteurs, ils avaient découvert que l’implication des dragons dans des massacres de fermes ou de voyageurs isolés n’était qu’une mystification. Immédiatement, ils avaient commencé à fomenter une rébellion. Il avait fallu les faire taire. Quoi de mieux qu’une petite trahison royale organisée… Cela avait eu de plus l’avantage d’arrêter net toute velléité de contestation.

      Pour lui plaire, Aura avait revêtu le magnifique déshabillé en dentelle arachnéenne noire qu’il lui avait offert quelques jours auparavant. Sa petite reprise en main de la veille avait été très efficace : elle était plus que jamais sous son emprise.

    « Monseigneur, je suis à votre service…

    - Ah ! Ma petite reine des glaces. Vous êtes ravissante ce soir. Mais nous avons à parler avant toutes choses ! »

      Elle s’inclina devant lui, inquiète de ces préliminaires.

    « Je vous écoute, seigneur Branag.

    - Votre neveu Moreth doit prendre femme, le plus rapidement possible.

    - Il est en effet en âge d’assurer sa descendance. Et cela libérerait Orianne et Lestian de Mirel qui, je le sais, craignent pour la vie de leur fils.

    - Ils n’ont pas à s’inquiéter. Les pensées de Rany confirment qu’il est un des plus fidèles serviteurs de son cousin. Il est loyal au trône, et, même s’il n’aime clairement pas le roi, il le protégera. Il l’a déjà défendu plus une fois.

    - À qui voulez-vous marier Moreth, monseigneur ?

    - J’ai trois candidates en tête : Larissa de Blankoff, Iléane de Romani et Jenaya de Fastrim.

    - Pas Jenaya de Fastrim ! protesta Aura. Elle a dix ans de plus que Moreth, et elle est énorme ! Elle n’a pas le physique d’une reine. D’ailleurs, je ne crois pas que Moreth l’accepterait !

    - Mmm… Vous avez sûrement raison. Pas elle !

    - Les deux autres sont par contre extrêmement jolies et intelligentes. Iléane est très jeune et est orpheline… Larissa est l’héritière d’un grand domaine, mais sa famille est très présente… Je ne sais pas, mon seigneur… Nous devrions laisser Moreth choisir…

    - Vous avez tout à fait raison, ma charmante. Comme toujours… Je vais aller lui faire part de votre décision, immédiatement. »

      Aura fit une moue de dépit, vexée de se voir délaissée. Branag lui caressa doucement la joue. Elle se sentit soudain guillerette.

    « Attendez-moi ici, ma douce ! J’en ai pour une minute. »

      Branag quitta la chambre et se dirigea vers les appartements du roi. Il reconnut le garde en faction. Le jeune homme droit comme un I le salua d’une révérence froide, détestant l’impression bizarre qu’il ressentait lorsque le sorcier était à côté de lui.

    - Bonsoir, chevalier de Mirel.

    - Bonsoir seigneur de Quervy. »

      Branag sourit intérieurement.

    « J’ai comme l’impression que vous ne m’aimez pas beaucoup, chevalier. »

      Rany tressaillit. Il savait bien que ce sorcier lisait dans les pensées… Mais il aurait eu bien du mal à dissimuler la vérité !

    « Je n’ai pas à aimer ou à détester qui que ce soit seigneur. Je suis loyal à mon roi, et vous aussi. Nous avons donc le même maître et les mêmes objectifs. Le reste ne doit pas entrer en ligne de compte. »

      Branag éclata de rire.

    - Vous êtes sans doute le seul dans ce palais à oser me dire clairement ce que vous pensez ! Vous avez du courage, gamin. J’apprécie.

      Rany inclina brièvement la tête.

    « Le roi est occupé. Il m’a ordonné de ne laisser entrer personne tant que…

    - Tant qu’il n’en a pas terminé avec… Oh ! Elles sont quatre cette fois ? »

      Rany pinça les lèvres d’un air désapprobateur.

    « Mon roi fait selon son bon vouloir, seigneur de Quervy ! Et nous n’avons pas de commentaire à faire ! »

      Branag ricana en lisant dans son esprit le dégoût que le comportement du roi inspirait au jeune homme. Quelques instants plus tard, la porte en bois s’ouvrit à la volée. Trois servantes à demi rhabillées jaillirent de la pièce et s’enfuirent à toutes jambes. La quatrième tout aussi affolée précéda Moreth qui s’avançait d’un pas nonchalant, torse nu. Il se tourna vers son aide de camp qui n’avait pas cillé.

    « Mirel, fiche le camp maintenant, je n’ai plus besoin de toi ! Qu’est-ce que vous me voulez, Quervy ? »

      Rany s’éloigna sans mot dire tandis que Branag suivait le roi dans sa chambre. Dès que la porte fut fermée, les comportements changèrent du tout au tout : le roi baissa les yeux et le sorcier reprit l’ascendant.

    « Moreth, tu dois te marier. Tu dois absolument avoir un héritier. Ta situation est encore précaire.

    - Les Mirel, ce sont eux la menace ? Je vais faire exécuter Rany ! Et ses parents devant lui !

    - Pauvre imbécile ! Tu n’as pas de meilleur soutien que Rany de Mirel ! Ses pensées sont limpides : il me déteste et me craint tout à la fois. Il ne t’aime pas beaucoup non plus, mais tu es son roi, sa loyauté t’est entièrement acquise ! Il donnerait sa vie pour toi.

    - Mais alors, pourquoi…

    - Avec un héritier, tu assures ton pouvoir. Ta virilité…

    - Je n’ai rien à prouver à ce sujet ! protesta Moreth d’un air supérieur. Demandez donc aux filles qui viennent de me quitter ! »

      Pour la millième fois, Branag maudit ce jour où le fils d’Aura avait disparu avec le cristal. Car Léry n’aurait pas pu être plus borné que ce pauvre type ! Et s’il le remplaçait par Rany… Ce gamin-là avait du cran, de l’intelligence, mais il n’était pas tellement malléable, beaucoup moins facile à manipuler que ce gros porc ! Il soupira en songeant qu’il n’en pouvait plus de dépendre du roi d’Arkanie. Depuis dix ans que la guerre faisait rage, les deux peuples draconiques étaient encore puissants même si leurs effectifs diminuaient sévèrement. Il s’était imaginé que le sort de discorde aurait raison des dragons en quelques mois. Le maintenir lui coûtait une énergie phénoménale mais il ne pouvait se permettre de l’annuler. Les Yphastes comprendraient immédiatement qui était le responsable du carnage. Il ne pourrait y survivre. Malgré les tentatives de Moreth, les nobles humains ne voulaient pas s’engager dans un conflit direct. Ils ne faisaient pas confiance à ce jeune roi colérique et instable. Tout tournait au désavantage du sorcier. Trop de magiciens refusaient encore de se soumettre à lui. Si seulement il parvenait enfin à créer sa propre armée d’esclaves à sa solde… Il lui fallait absolument un autre disciple, aussi puissant que Sandrun, mais qui ne nécessite pas un contrôle mental aussi drastique. Restait à convaincre le futur père…

    - Je te rappelle que tu n’as pas le cristal héréditaire de la royauté, Moreth ! Il a disparu avec ton cousin Léry, il y a quinze ans ! Tout ce qui peut asseoir ton pouvoir est donc le bienvenu. Après de longues recherches, j’ai sélectionné les deux filles qui me semblent être les plus dignes de toi. Tu choisis, et le mariage aura lieu la semaine prochaine. »

      Branag tendit les mains devant lui. Les silhouettes de deux jeunes filles apparurent devant eux. L’évocation devint plus précise. Moreth écarquilla les yeux devant l’air enjôleur de la blonde, irréprochable dans sa tenue princière. Il observa ensuite l’air malicieux et vif de la seconde, dont les cheveux châtains dégringolaient en désordre sur les épaules.

    « Les deux sont parfaitement baisables ! Qui sont-elles ?

    - La brune est Iléane de Romani. Elle a quinze ans, est orpheline et pauvre mais d’excellente lignée. Son père s’est ruiné. Elle a été élevée par sa belle-mère, elle ne connaît rien de la cour. Elle est encore vierge. La blonde se nomme Larissa de Balankian. Elle est très riche, ses parents possèdent le domaine de la forêt blanche et les mines. Elle a vingt-deux ans. C’est une amante expérimentée, d’après ce que j’ai compris.

      Moreth hésita.

    « Expérimentée, c’est un atout appréciable… Mais je n’ai pas envie de m’encombrer d’une belle-famille ! Ce pourrait être amusant d’instruire une petite oie blanche ! Je prends la brune comme épouse ! Mais faites savoir à la blonde que je pourrais passer la voir, à l’occasion ! »

      Branag rit intérieurement. Décidément, il était bien trop facile à manipuler.

     

    ♦♦♦


    6 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique