• Chapitre 2

    crédit épée: Mythical weapons by RoysArt

    « Rany ? Rany ! Bon sang, où ce gosse est-il encore passé ? Rany ! Montre-toi ! »

      Dissimulé dans le feuillage d’un vieux chêne plusieurs fois centenaire, Rany de Mirel pouffa silencieusement. Cette fois, sa mère ne pourrait plus se dérober ! Il avait réussi à escalader cet arbre. Elle avait promis, et il allait faire en sorte qu’elle tienne sa promesse.

    « Coucou m’man ! »

      La jeune femme leva les yeux vers le faîte de l’arbre en poussant un cri d’horreur.

    - Mon Dieu ! Rany ! Ooooh ! Descends immédiatement de là ! Non ! Ne bouge pas ! Lestian ! Il est ici ! »

      Le marquis de Mirel parvint au pied de l’arbre en même temps que son fils unique. Il secoua la tête devant l’aplomb du gamin. Manifestement, il n’avait pas eu la moindre angoisse, contrairement à sa mère prête à s’évanouir. Il enlaça brièvement sa femme, l’embrassant dans le cou en la sentant trembler rétrospectivement. Rany, lui, avait l’air tout fier malgré les dizaines d’égratignures sur ses jambes et ses bras.

    - Maman ! J’ai sept ans, et j’ai réussi à grimper à l’arbre tout seul ! Tu m’avais promis… »

      Orianne de Mirel ferma les yeux. Elle se revit promettre à son fils qu’il pourrait commencer son entraînement de chevalier lorsqu’il serait capable de grimper à cet arbre. C’était un an auparavant. Le petit garçon n’avait pas oublié.

    « Lestian ! murmura-t-elle faiblement. Dis quelque chose !

      Le marquis fit un clin d’œil à son fils.

    - Tu as fais une promesse, ma chérie adorée ! Et tu es une femme d’honneur… »

      Orianne acquiesça avec regrets. Lestian lui baisa la main.

    « D’accord, tu as gagné, petit voyou ! murmura-t-elle. Tu pourras faire ce dont tu rêves. Et moi, je vais commencer à trembler ! ajouta-t-elle à mi-voix, et son époux soupira.

    - Mais tu vas devoir apprendre deux choses, petit diable gâté ! prévint Lestian. L’humilité et l’obéissance. Est-ce clair ? Jamais tu ne feras allusion au fait que tu es mon fils, ou le cousin de Moreth. Et tu seras traité comme n’importe lequel des écuyers, sans doute moins bien, pour n’être pas accusé de favoritisme. Tu seras le plus jeune de tous, et de beaucoup. Ce n’est pas une position enviable. Cela sera très difficile et tu n’auras plus le droit de venir te plaindre auprès de ta maman. Il n’y aura pas de retour en arrière, c’est bien clair ?

      Rany leva vers son père des yeux verts remplis de détermination.

    - Je suis prêt, papa ! Je ferai tout ce qu’il faut ! Et tu seras fier de moi ! »

      Orianne ébouriffa les cheveux aux reflets roux flamboyants du petit garçon, retrouvant la volonté inébranlable de son époux dans l’air de défi du garçonnet. Ils se ressemblaient tant !

    « Alors c’est dit ! »

      Plus tard, lorsque Rany fut couché, la marquise aborda le sujet qui l’inquiétait.

    « Lestian, ne penses-tu pas que notre Rany soit en danger avec les autres écuyers et surtout à cause de son cousin ?

    - En danger de quoi, ma douce ? essaya-t-il de biaiser.

    - Après la mort de Morrigane et du roi Karel, notre fils est second sur la liste des héritiers du trône… Depuis l’enlèvement de Léry par les dragons il y a deux ans, Aura n’est plus dans son état normal. Ce sorcier… Branag de Quervy… Il a pris une importance anormale dans sa vie comme dans la régence. S’il décidait que Rany est un danger pour Moreth… »

      Lestian soupira. Il avait espéré qu’elle n’y penserait pas mais il savait pourtant que sa femme était trop intelligente pour ignorer les réalités politiques. En l’absence d’autre héritier, et en tant que sœur de Morrigane, la reine défunte, elle avait transmis à son fils la possibilité de prétendre au trône.

    « C’est dans ce seul but que j’accède à la demande de Rany, même si mon cœur me souffle qu’il est beaucoup trop jeune. Pour le protéger, il faut que nous prouvions que nous n’avons aucune crainte à ce sujet. Il faut les convaincre que notre seule ambition pour notre enfant est de le voir entrer au service de son cousin.

    - Il y a donc un risque…

    - Il y aura toujours un risque, mon ange, tant que Moreth n’aura pas engendré un héritier, ou que le fils d’Aura n’aura pas été retrouvé avec le cristal. Nous ne pouvons pas le couver jusque là. »

     

    ♦♦♦

     

      « Le pauvre chéri à sa maman ! »

      Rany roula dans la boue une fois de plus sous le coup de lance de son cousin. Aucune larme ne jaillit de ses yeux. Il ne lâcha pas le moindre cri. Il se redressa avec difficulté et Moreth, contrairement aux lois de la chevalerie, le frappa à nouveau, avant qu’il ait repris son équilibre. Rany serra les poings en retombant à genoux.

    « Tu as raison ! C’est ainsi que tu dois rester devant ton futur roi ! »

      Le maître d’armes Taanlim observait la scène de loin. Ses poings le démangeaient. Pourtant, il ne bougea pas, comme le marquis de Mirel lui en avait donné l’ordre. Il songea que la vie était mal faite. Ce petit gars, malgré ses treize ans, avait bien plus de courage et un sens de l’honneur bien plus développé que Moreth d’Arkanie, le futur roi qui en avait seize. Pour l’instant la force physique était du côté du plus grand. Au grand soulagement de Taanlim, Rany s’avoua vaincu. Le futur roi plastronna, comme à son habitude. Cette faute de goût si contraire aux règles de la chevalerie lui valut quelques regards réprobateurs de la part des apprentis chevaliers plus âgés.

      Rany laissa les plus grands disparaître dans leurs quartiers avant de laisser libre cours sa rage. Quand donc grandirait-il ? Il en avait assez de n’être qu’un gamin maigrichon que tous les écuyers adoraient humilier ! Moreth, passe encore, c’était son roi, mais il avait hâte de prouver à tous les autres qu’ils avaient eu tort de profiter de sa faiblesse. Un jour…

    « Écuyer de Mirel ! »

      Il sursauta et se recomposa un visage vierge de toute colère.

    - Oui, maître Taanlim ?

    - Quelles conclusions tires-tu de ce combat ?

    - Que si j’avais la même taille que Sa Majesté, c’est moi qui lui aurais fait mordre la poussière ! Il a l’avantage de la force sur moi, mais je suis plus vif et précis.

    - Ce n’est pas tout à fait vrai, Rany, commenta le maître d’armes. Tu aurais pu le déséquilibrer sans problème lors de sa deuxième attaque. Tu ne l’as sciemment pas fait.

      Rany détourna le regard.

    - Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, maître.

    - Au contraire ! Pourquoi as-tu fait ça ? insista-t-il.

      Le garçon baissa la tête.

    - Il est mon roi, même si notre tante assure la régence. Je lui dois respect et loyauté. Je n’avais pas le droit de lui infliger une défaite par un plus petit que lui… Il est mon roi ! répéta-t-il. Il ne doit pas être humilié ! »

      Taanlim hocha la tête. Quoiqu’en dise le marquis, il fallait aussi encourager ce petit.

    « En tout cas, même si tu as été vaincu, tu as fait tes preuves dans ce combat. N’as-tu pas remarqué que tu es celui qui lui a résisté le plus longtemps ? Je pense que tu ne seras plus réellement ennuyé par les autres, Mirel ! »

     

    ♦♦♦


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