• Alsved : cheval bai, monture d’Estelle des Brumes

    Arkanie : royaume de Mystia, dont la capitale est la ville de Koralia.

    Arnald : fils cadet du roi Thomlar d’Arkanie, marié à Lyjane de Tamsyn.

    Branag de Quervy : sorcier maléfique, vaincu neuf cents ans auparavant par Aslyan d’Arkanie, ancêtre du roi Thomlar.

    Cité Lumineuse : (ou cité de Queffelec) ville-comté indépendante de Mystia, proche de la frontière arkanienne. Son seigneur est le comte Gavian de Queffelec

    Cœlian de Mandaly : chevalier d’Arkanie, meilleur ami du prince Arnald

    Ellyn de Rochlan : fiancée de Tryer de Queffelec

    Estelle des Brumes : nièce du comte Gavian de Queffelec, fille du sorcier Sandrun des Brumes

    Jolande : cité indépendante de Mystia, située sur la côte est du continent

    Kendal de Barenn : lieutenant de la Cité Lumineuse

    Mikalyas : frère jumeau d’Estelle des Brumes

    Morvack : monture noire et ombrageuse du chevalier de Manday

    Rodis (Enyalès de) : général de l’armée d’Arkanie

    Karystean des Brumes : frère de Sandrun des Brumes, sorcier

    Tryer de Queffelec : fils unique du comte Gavian de Queffelec


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  • Voici la suite des chroniques de Mystia, que nous avions laissée en paix, croyant être définitivement libérée de l'influence du sorcier Branag. Mais il a survécu et attend dans l'ombre de recouvrer tout son pouvoir.

    Neuf cents ans après les événements de "la trahison du sorcier", la paix est de nouveau menacée sur Mystia.

    D'anciennes alliances obligent la cité de Queffelec à prendre les armes aux côtés de Jolande contre le royaume d'Arkanie, cherchant à l'affaiblir. Est-ce le retour de l'influence maléfique du sorcier?


     

    Me revoilà partie pour une nouvelle histoire, la suite de la précédente, c'est pourquoi je n'ai pas créé de nouveau blog. Vous pouvez retrouver toute l'histoire précédente dans le menu de gauche, ainsi que la liste de tous les chapitres. L'histoire est de nouveau écrite complètement, donc vous aurez la fin dans un délai raisonnable: je pense publier un chapitre par semaine.

    N'hésitez pas à me laisser vos avis en commentaire, je serai ravie d'y répondre.

    Si vous vous perdez dans les personnages, j'ai fait des fiches récapitulatives des différents personnages, que vous trouverez dans le premier menu à gauche.

    Bonne lecture!

    Koe *


     

    Tous les chapitres sont en ligne!


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  •   Le prince Arnald d’Arkanie retint d’une main ferme son fougueux destrier dont la robe blanche était souillée par la boue et le sang. La visière relevée de son heaume en métal noir laissait voir son regard brun concentré. Son haubert était recouvert d’un bliaut rouge et argent déchiré, preuve, si nécessaire, qu’il avait pris part aux combats. Il adressa dans sa tête une prière à la Grande Déesse, pour que ce conflit inutile cesse rapidement, sans faire davantage de victimes. L’avant-garde de l’armée arkanienne était prête à mener l’assaut contre la Cité Lumineuse dont le dernier bataillon de cavaliers venait de se réfugier derrière les remparts.

    « Regardez ! Regardez ! Ils se rendent ! »

      Des cris de joie jaillirent soudain derrière lui. Des drapeaux blancs s’élevaient lentement sur les tours de la ville assiégée depuis deux jours. Arnald secoua la tête. Ce siège lui laissait un goût amer dans la bouche. À ses côtés, le général Enyales de Rodis affichait un large sourire. C’était un homme d’une quarantaine d’années, un peu plus petit que le prince, mais très large d’épaules. Le sentant prêt à investir la cité sans attendre, Arnald se tourna vers lui.

    « Enyales, que les soldats rejoignent les camps et prennent du repos. Je ne veux que les officiers principaux à mes côtés. Faites passer la consigne dans les rangs de l’armée. Quiconque sera surpris en train de commettre un acte de pillage ou de violence sur un civil de cette cité sera immédiatement banni de l’armée, est-ce clair ? Insistez bien là-dessus : tout viol sera passible de la peine de mort ! »

      Le général de Rodis pâlit brusquement.

    - Enfin… Mon prince… Votre victoire est complète, la cité Lumineuse s’est rendue ! Nous n’avons pratiquement pas eu à combattre !

    - Je ne vois pas le rapport, Enyales !

    - Mais ils sont écrasés, humiliés, vaincus ! Et les richesses de cette ville sont…

      Le prince Arnald haussa les épaules.

    - Vous m’agacez sérieusement, général ! Je souhaite que nous fassions la paix avec le comte de Queffelec ! C’est clair ?

    - La paix ?

      Rodis regarda le jeune prince avec effarement.

    - Mon prince, sauf le respect que je vous dois, vous devenez complètement fou ! Ils sont venus nous attaquer les premiers !

    - Pour la dernière fois, Enyales, je n’ai pas à me justifier devant vous ! Mon père m’a confié le commandement de cette armée. C’est moi qui prends les décisions ! Cette ville est trop belle pour que je tolère que quiconque de mon armée ne la souille. La Cité Lumineuse ne doit pas être dévastée sur un malentendu ! »

      De l’autre côté du prince, le chevalier Cœlian de Mandaly, vêtu d’un simple haubert argenté sur des jambières noires, hocha la tête gravement.

    - Vous avez raison, mon prince ! Je sais de source sûre que le comte de Queffelec a été contraint à s’engager dans ce conflit qu’il ne souhaitait pas. Un pacte datant de plusieurs siècles entre les Queffelec et les ancêtres de Jolande. Il faut rétablir la paix entre l’Arkanie et la Cité Lumineuse. Il y va de la survie des peuples de Mystia.

    - Je savais pouvoir compter sur ton soutien, Cœlian.

    - Je me demande bien en quoi un démon peut se soucier de la paix ! grommela le général.

      Cœlian de Mandaly eut un sourire moqueur. Le prince songea que son ami méritait vraiment son surnom car l’étincelle qui brillait dans ses yeux semblait réellement diabolique.

    - Rodis, mon ami, vous ne savez décidément rien sur les démons ! susurra Cœlian. Sinon, vous ne joueriez pas ainsi à les provoquer ! »

      Enyalès de Rodis se contenta de lancer un regard noir à celui qu’il considérait comme un rival, mais qu’il se gardait bien de défier. La mort du frère aîné d’Arnald avait mis un frein à ses ambitions. Il avait bien tenté de gagner les bonnes grâces du cadet à qui il n’avait jamais prêté attention jusque là. Il avait vite compris qu’il ne pourrait jamais s’immiscer entre le prince et Mandaly. Ils étaient nés à quelques jours d’intervalle vingt-cinq ans plus tôt. Leurs mères étaient amies proches. Le père de Mandaly était mort alors qu’il n’avait que quelques jours. Les deux enfants avaient alors grandi ensemble, entre le palais de Koralia et le manoir de Mandaly. L’amitié qui les liait ne s’était jamais démentie. Et depuis la mort de son frère, Arnald appréciait d’autant plus la franchise sans flagornerie de Cœlian.

      Devant eux, la cité ancestrale des comtes de Queffelec étincelait sous le soleil levant. Les toits des nombreuses tours et citadelles qui défendaient la ville scintillaient grâce aux minuscules cristaux enchâssés dans les lauzes gris pâle qui les recouvraient. Arnald poussa un soupir de lassitude. Pourquoi avait-il fallu que la paix qui régnait depuis tant de siècles sur le royaume d’Arkanie soit brisée ainsi ?

      Avec tristesse, le prince écouta claquer au vent les drapeaux blancs, symboles de sa victoire, de la défaite de ses ennemis. L’armée commença à se replier selon ses ordres. Les quatre généraux vinrent se placer derrière lui : Morannon, Rydan, Trevalyn et Rodis. Arnald détourna le regard devant leurs mines réjouies. Il aimait se battre, il adorait les duels à l’épée, à la lance, les corps à corps, la lutte pour le sport, mais il détestait le sang et la guerre. Soudain, des exclamations jaillirent dans son dos car les hautes portes de la Cité Lumineuse s’ouvraient. Arnald leva un bras pour exiger le calme de ses officiers. Un cavalier de petite taille entièrement vêtu de noir sortit de la cité, porteur d’un étendard blanc. Sa monture à la robe fauve gravit la colline avec lenteur, au pas. Lorsque l’inconnu fut à quelques mètres des arkaniens, il mit pied à terre et avança d’un pas mal assuré vers les vainqueurs.

      Le murmure s’amplifia lorsque les généraux découvrirent que la mince silhouette qui s’approchait était vêtue d’une longue robe noire. Sa tête était recouverte d’un voile de deuil qui dissimulait entièrement sa chevelure et la moitié supérieure de son visage.

    - Voilà quelque chose de fort intéressant, mon prince ! commenta le chevalier de Mandaly dont le sourire narquois réapparut.

    - Une femme ! Même pas, c’est tout juste une gamine ! Ils se moquent de nous, prince ! siffla de Rodis.

      Arnald secoua la tête, intrigué.

    - Enyales, taisez-vous !

      La jeune fille s’approcha. Le cœur d’Arnald se serra en distinguant le visage couvert de larmes derrière la voilette. Selon la coutume, la jeune fille mit un genou à terre devant le prince pour lui tendre la clef qui symbolisait le pouvoir de la ville. Sa voix claire s’éleva, un peu tremblante, avant de s’affermir.

    - Prince Arnald d’Arkanie, au nom du comte Gavian de Queffelec, je suis venue vous remettre la clef de la ville, symbole de votre victoire et de notre défaite. La destinée de la Cité Lumineuse est désormais entre vos mains.

      Arnald mit pied à terre, imité immédiatement par Cœlian. Avec douceur, il prit les mains de l’inconnue pour l’aider à se relever. Elle leva vers lui son regard clair étonné. Sa surprise fut encore plus grande lorsqu’il lui baisa courtoisement la main.

    - Gardez donc cette clef, gente damoiselle ! Qui êtes-vous donc ? Je suis étonné de ne pas voir le comte de Queffelec ?

      La jeune fille se dégagea brutalement.

    - Le frère de ma mère, le comte de Queffelec est gravement malade. Il ne peut quitter sa couche. Mon cousin Tryer de Queffelec, son héritier, a été blessé au bras durant votre premier assaut. La plaie a provoqué de fortes fièvres qui l’ont laissé épuisé. Je suis Estelle des Brumes, le seul membre de la famille encore indemne.

      Arnald sourit avec douceur.

    - Votre jeunesse m’a surpris, mais je ne voulais en aucun cas vous offenser, damoiselle Estelle. Si vous le permettez, je vais envoyer mon médecin personnel auprès de vos parents.

      Estelle haussa les épaules.

    - Quelle offre généreuse ! ironisa-t-elle. Malheureusement je… Enfin, nos médecins ont été formels. La mort de mon oncle n’est qu’une question de jours, d’heures peut-être, c’est pourquoi il souhaiterait à tout prix s’entretenir avec le roi d’Arkanie. Le plus vite possible.

      Les officiers murmurèrent de plus belle et Enyales de Rodis faillit s’étrangler.

    - Espèce de petite péronnelle ! s’exclama-t-il. Votre peuple est vaincu ! Vous n’avez aucune exigence à avoir ! Le roi ne se déplacera que s’il en a envie ! De quel droit osez-vous lui donner des ordres ?

      La jeune fille crispa les poings, la rage effaçant le chagrin de son visage.

    - Homme stupide et brutal ! cracha-t-elle. Croyez-vous que vous auriez vaincu si facilement le peuple de la Cité Lumineuse si nous n’avions pas été trahis ? Quelle belle victoire que la vôtre, contre une ville pillée de toutes ses réserves de nourriture et d’armes, dont la plupart des hommes valides est victime d’un empoisonnement général ! Vous avez vaincu une armée de cinquante guerriers ! Composée de jeunes garçons à peine sortis de l’enfance et de vieillards !

      Le chevalier de Mandaly hocha la tête avec gravité. Les arguments de la jeune fille étaient exactement les mêmes que ceux avec lesquels il avait tenté de convaincre les généraux la veille. Néanmoins, il était surpris. Cette jeune demoiselle avait vraiment beaucoup d’aplomb pour s’adresser ainsi à un officier ennemi.

      Le prince Arnald se tourna vers Enyales, furibond.

    - Rodis ! Taisez-vous ! Je n’ai à aucun moment requis votre opinion !

      Il se tourna vers la jeune fille qui tremblait de rage, s’inclinant devant elle.

    - Damoiselle Estelle, je vous prie d’excuser l’impolitesse de mon général. Je suis le second fils du roi Thomlar d’Arkanie. Mon père devrait arriver ici dans la journée avec le reste de notre armée. En son nom, j’accepte la demande de rencontre de votre oncle.

      La jeune fille parut étonnée des égards que lui témoignait le prince. Elle sembla se détendre un peu.

    - Quelles sont vos intentions maintenant ? Vous ne trouverez pas à vous ravitailler dans Queffelec. Il ne reste rien !

      Arnald hocha la tête.

    - Mon armée restera à l’extérieur de la ville. Nous vous enverrons des vivres si vous en manquez.

      Elle eut un sursaut étonné.

    - Vous n’investissez pas la Cité Lumineuse ? Vous ne nous réduisez pas en esclavage ?

    - Non ! coupa le prince, agacé. Nous resterons en dehors. Lorsque mon père sera arrivé, nous viendrons parlementer avec le comte de Queffelec.

    - Mais…

    - Damoiselle Estelle, je vous prie de porter mon message pacifique à votre oncle.

      Estelle eut un sourire crispé avant de plonger dans une révérence qui gêna le prince.

    - Relevez-vous, je vous en prie ! Hier je me suis battu contre un jeune homme à l’armure noire. Son écu était orné d’une étoile blanche. Je vous prie, damoiselle Estelle, de lui adresser toute mon admiration. C’est un fier combattant !

      La jeune fille haussa les sourcils.

    - Il s’agit de Tryer, mon cousin ! Je lui ferai part de votre message, n’ayez crainte. Mais la Cité Lumineuse n’a pas attendu le jugement d’un ennemi pour le considérer à sa juste valeur ! »

      Le général s’étrangla une fois de plus, mais un regard du prince lui fit ravaler ses paroles. Le chevalier de Mandaly éclata d’un rire franc. Voilà une fillette qui n’avait pas froid aux yeux ! Estelle fixa avec colère l’homme qui n’avait pas pris part à la discussion. De quel droit se permettait-il de se moquer d’elle ? L’hilarité de Cœlian redoubla.

    - Nous ne sommes ennemis, damoiselle Estelle, que parce que votre peuple l’a bien voulu ! rétorqua brusquement Arnald. Il n’y a aucune animosité dans mon cœur. Je suis ici pour faire la paix. Vous pouvez aller, damoiselle Estelle. Dès l’arrivée de mon père, nous nous rendrons à l’invitation du comte de Queffelec. Je vous en fais la promesse ! »

      Tout en parlant, il l’avait raccompagnée jusqu’à son cheval à la robe fauve flamboyante et l’aida à enfourcher sa monture.

      Sans un mot d’adieu, la cavalière éperonna son cheval. En un rien de temps, elle disparut à l’intérieur de la ville dont les portes restèrent ouvertes.

      Le prince Arnald la suivit des yeux, perplexe, puis se retourna vers son général, le regard sombre.

    - Enyales, décidément votre brutalité n’a d’égale que votre manque de courtoisie ! Cette jeune fille de très haute noblesse est venue reconnaître la défaite de sa cité. Son oncle est en train d’agoniser ! Elle fait partie des vaincus. Vous auriez pu faire preuve de quelques égards et ne pas accroître encore son humiliation !

    - Je ne vous comprends pas, mon prince ! Vous êtes le vainqueur ! Cette fille était à vous. Ou à celui à qui vous l’auriez offerte ! Nul doute qu’elle était préparée à ce qui aurait dû l’attendre ! C’est le privilège du vainqueur.

    - Mais contrairement à vous, je ne me comporte jamais en barbare. Je suis marié et n’ai nulle envie de tromper ma femme avec une inconnue !

    - Voyons, mon prince ! ironisa Cœlian. Vous savez bien qu’un bon et honnête chevalier comme Rodis n’attend qu’une seule chose de la guerre ! Le plaisir d’assouvir ses désirs avec les femmes de ceux qu’il a lui-même éventrés !

      Le général devint rouge de colère, mais le prince fit immédiatement cesser la querelle.

    - Trêve de bavardage ! Retournons au camp. »


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  •   Aidé de son écuyer, le prince Arnald se débarrassa de son armure avant de pénétrer à l’intérieur de sa tente. Il nettoya à grandes eaux le sang et la boue qui maculaient son torse et son visage, espérant se débarrasser de l’odeur de la bataille. Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu’il eut enfilé une tunique confortable. Il se laissa tomber à la renverse sur sa couche recouverte de fourrures, les yeux fermés, épuisé. Cela faisait maintenant plus de six mois que le baron Artus de Jolande avait brisé le serment d’allégeance que son ancêtre avait prêté au souverain du château de Koralia. Il voulait à tout prix s’emparer du royaume d’Arkanie. Lorsque ses manœuvres politiques avaient échoué, il avait attiré le roi et ses deux fils dans un piège soigneusement préparé. Arnald songea avec désespoir à la mort de son frère aîné, Julian, empoisonné. Il avait agonisé sept jours dans d’atroces souffrances. Personne n’avait rien pu faire pour le sauver. Jamais il n’oublierait l’odeur douceâtre que sa peau exhalait, gorgée de poison. Il secoua la tête, pour chasser les larmes qui lui montaient aux yeux. Il avait juré de le venger.

    - Prince ! Prince Arnald ! L’escorte royale approche !

      Le jeune homme se redressa souplement, essaya sans succès de discipliner ses boucles blondes encore humides et sortit en courant de sa tente. Il parvint à l’entrée du camp à l’instant même où deux soldats aidaient le souverain à sortir de son carrosse. Arnald s’approcha puis mit un genou à terre devant lui, baissant la tête plus pour dissimuler sa surprise effarée que par respect du protocole. Le roi Thomlar, encore en excellente santé quelques semaines auparavant, était devenu un vieillard voûté et valétudinaire.

    - Mon père ! murmura-t-il, attristé.

    - Lève-toi donc, mon cher fils. Et viens m’embrasser. Je suis très fier de toi, Arnald. Et pas uniquement à cause de ta victoire.

    - Je vous remercie, mon père. Mais venez à présent. La fatigue du voyage pèse sur vos épaules. Un repas chaud vous attend.

      Thomlar pénétra à pas lents sous la tente de son fils qui l’aida à s’asseoir avant de commencer à le servir comme le voulait la coutume. Le roi protesta.

    - Ne reste pas debout, Arnald. Prends place à mes côtés. Je voulais te féliciter pour ta conduite à la tête de l’armée d’Arkanie. Tu as réussi à t’imposer comme chef, à être respecté malgré ton âge. Surtout tu as empêché les soldats de se conduire en barbares. Pas de pillage, ni d’exactions…

    - Je n’aime pas la violence gratuite, mon père. D’ailleurs cette dernière bataille me laisse un goût amer. Nous avons combattu à cent contre un. Je suis sûr que la plupart de nos adversaires n’étaient même pas des soldats. Ce n’était pas juste. Et puis je déteste la guerre ! »

      Le vieux roi eut un sourire attendri.

    - Julian était mon portrait mais toi, tu ressembles tellement à ta mère… »

      Ils mangèrent tandis que le jeune homme relatait à son père la reddition de la Cité Lumineuse.

    « Tu es un vrai et solide meneur d’hommes, Arnald. J’ai signé l’acte à Koralia : depuis une semaine, tu es officiellement régent du trône d’Arkanie.

      Le prince sursauta, horrifié.

    - Non, père ! Non ! C’est impossible ! Vous êtes le roi. Et c’est mon neveu qui doit vous succéder !

      Le souverain soupira.

    - Arnald, je sais que mon état physique t’a fortement surpris lorsque je suis arrivé. Tu as bien caché tes sentiments, mais mon œil est encore attentif. Je n’ai rien manqué de ce que tu as pensé à ce moment-là.

      Le jeune homme baissa la tête.

    - Ton neveu Majan n’a que deux ans. Je l’ai laissé avec sa mère en sécurité dans notre forteresse la plus sûre. Mais le royaume ne peut rester sans chef. Il faut quelqu’un qui tienne les rênes !

    - Mais, je…

    - Tais-toi, Arnald ! Mon état de santé n’est pas naturel. Comme ton frère, j’ai été empoisonné. Le coupable a été pris en flagrant délit d’essayer de réitérer son acte sur Majan. Il a avoué. D’après les médecins, je n’en ai plus que pour quelques jours. J’ai donc abdiqué en ta faveur.

    - Non ! hurla Arnald, désespéré. Vous ne devez pas mourir, mon père. Je ne veux pas !

      Le visage inondé de larmes, le jeune homme tomba à genoux devant son père. Il prit une de ses mains qu’il porta à ses lèvres. L’odeur douceâtre du poison était infime, mais il la remarqua avec effroi.

    « Nous trouverons un antidote, père ! »

    Le roi Thomlar, touché, effleura tendrement la chevelure de son fils.

    - Ma mort est inéluctable, mon fils ! Elle survient juste un peu plus tôt que prévu. Et j’irais enfin rejoindre Julian et votre mère près de la grande Déesse. Elle me manque tant… Tu seras le régent d’Arkanie, en attendant que Majan puisse remplir dignement son rôle. Est-ce clair ? »

      Malgré sa faiblesse, le ton du roi Thomlar ne souffrait pas de refus. Arnald acquiesça, la gorge serrée.

    - Maintenant que cette affaire est réglée, peux-tu faire appeler le chevalier de Mandaly ? Je ne peux pas repousser le moment de lui parler plus longtemps. Il est ton ami, il aura besoin de ton soutien. »

      Cœlian pénétra dans la tente quelques instants plus tard. Il mit un genou à terre devant son souverain qui le fit se relever.

    - Mon jeune ami… J’ai une très mauvaise nouvelle à t’apprendre…

    - Kyriane et Mère ! murmura Cœlian d’une voix blanche tandis qu’Arnald entourait ses épaules de son bras.

    - Je suis navré. Elles ont refusé de venir se mettre à l’abri à Koralia. Elles étaient dans le manoir de Mandaly lorsque l’arrière-garde de Jolande les a trouvées.

    - Non… Un sanglot étouffé échappa au jeune homme, qui se laissa aller dans les bras réconfortants de son ami.

    - Elles n’ont pas survécu, Cœlian. Tu es en droit de m’en vouloir. J’aurai dû les faire protéger malgré elles. Ta sœur était courageuse. Elle a tué plusieurs de leurs agresseurs avant de succomber. Tous les habitants du château ont été massacrés il y a une semaine. Il a été détruit… »

      Celui que tout le royaume d’Arkanie surnommait le démon de Mandaly se dégagea brusquement de l’étreinte d’Arnald, son regard bleu farouche étincelait de chagrin et de rage mêlés.

    - Non, ce n’est pas de votre faute ! Mon roi, je vous jure sur mon âme et sur ma vie, que je trouverai ce Jolande. Je le vaincrai, et je lui ferai payer tous ses crimes de sa vie ! J’en fais le serment solennel.

      Arnald songea qu’il n’avait jamais vu son ami aussi désespéré.

    - Je vous prie de m’excuser, mon roi, mais… Je préférerai rester seul pendant un moment.

      Le souverain acquiesça.

    - Je comprends, Cœlian. Nous partageons ta peine. Je te relève de toutes tes obligations jusqu’à demain. Tu nous accompagneras à la rencontre demandée par le comte de Queffelec. »

      Le jeune prince serra le bras de son ami avant de le laisser aller.

    - Père ? Comment va Lyjane ?

      Le roi eut un sourire rassurant.

    - Elle m’a demandé de te dire qu’elle t’aime. Ta femme a accepté de rester avec Majan et sa mère. Elle est à l’abri.

    - Pourquoi cette satanée guerre a-t-elle été déclenchée ? gronda-t-il. Maudit Jolande ! Sans lui, je serai à ses côtés ! »


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  •   Dans la cité de Queffelec, l’inquiétude était à son comble : le roi d’Arkanie avait annoncé son arrivée en fin de matinée. Malgré le comportement courtois du prince Arnald, les intentions réelles des arkaniens concernant la ville étaient inconnues. C’était d’autant plus angoissant que la plupart des hommes valides étaient encore alités, laissant la cité à la merci de ses ennemis. Les femmes avaient passé les jours et nuits précédents à se relayer auprès des blessés, essayant d’apaiser les souffrances des uns et des autres.

      La chambre du comte offrait le même spectacle que partout ailleurs dans la Cité Lumineuse. Aidée par son amie Ellynn de Rochlan, la jeune nièce du comte allait d’un lit à l’autre. Elle essayait de rafraîchir le front fiévreux de son oncle. Ellynn aidait l’héritier de Queffelec à manger un peu, son bras droit étant encore très affaibli. Le vieux chambellan, qui avait repris du service à la mort de son successeur, toqua à la porte.

    - Damoiselle des Brumes, le roi d’Arkanie est là, en compagnie de son fils et d’un chevalier de son escorte.

      La jeune fille, épuisée, se dressa brusquement.

    - Le comte est incapable de se lever. Tryer va un peu mieux mais ses forces ne sont pas complètement revenues. Demandez-leur s’ils acceptent de venir ici.

      En attendant ceux qui tenaient son sort et celui de la cité entre leurs mains, elle se passa un peu d’eau sur le visage. Inutile de montrer à quel point elle était désemparée. Ellynn lui serra doucement l’épaule.

    - Il vaut mieux que je sorte, Estelle. Il s’agit d’une visite officielle où je n’ai pas ma place. Je reviendrai plus tard.

    Estelle lui rendit son étreinte.

    - Profites-en pour te reposer, tu es épuisée ! »

    Quelques instants plus tard, le chambellan revint annoncer les visiteurs.

    « Le roi Thomlar d’Arkanie, le prince Arnald et le chevalier Cœlian de Mandaly ! »

      Tandis que les trois hommes entraient dans la pièce, elle fit une profonde révérence, tête baissée, en signe d’allégeance.

    - Relevez-vous, damoiselle ! fit le roi d’une voix faible et tremblante. Comte Queffelec, je vous salue.

    - Je vous salue, roi Thomlar d’Arkanie, murmura le moribond. Veuillez pardonner ma faiblesse. Je ne puis me lever.

    - Ne bougez pas, comte. Je vous en prie.

      Le jeune homme allongé voulut se redresser pour honorer ses hôtes. Ses jambes trop faibles ne purent le porter. Cœlian le retint avant qu’il ne s’effondre sur le sol de pierre.

    - Restez allongé, Tryer de Queffelec ! s’écria Arnald. Je vous prie de m’excuser pour cette terrible blessure…

    - Ne vous excusez pas ! souffla le blessé, hors d’haleine après l’effort qu’il venait d’accomplir. La blessure est nette et aucune traîtrise ne l’a permise : une simple estafilade. C’est le poison du soi-disant guérisseur de Jolande qui m’a affaibli. Fort heureusement, je serai bientôt rétabli. »

      Pendant ce temps, Estelle s’était empressée d’approcher un siège de la couche du comte. Le roi s’assit avec soulagement. L’odeur douceâtre qui se dégageait du comte glaça le sang d’Arnald. Queffelec était bien victime du même empoisonnement que son père et Julian.

    - Roi Thomlar, commença le comte. Jadis, nos peuples étaient alliés proches. Il y a plus de neuf cents ans, le roi Moreth, mal conseillé, a rompu le pacte qui nous liait. Malgré cette divergence si ancienne, nous avons vécu pacifiquement ensuite. Mais j’ai été amené à vous combattre à cause d’un traité signé pendant le règne de Moreth entre mes ancêtres et ceux du baron de Jolande.

    - Je sais, comte…

    - Non, vous ne savez pas ma colère et ma honte. Car Jolande a doublement trahi cet accord. Il m’a imposé de prendre parti contre vous en lui fournissant une partie de mes troupes, ce que j’ai dû faire à cause de ce pacte. En fuyant devant vous, il a neutralisé mes armées par traîtrise, il a pillé ma cité ! Ses guérisseurs ont empoisonné la plupart des soldats sous couvert de soigner les blessures que nous avons reçues sur le champ de bataille, le premier jour de votre assaut. Heureusement, Tryer est solide comme la plupart de mes hommes. Pour les plus fragiles ou les plus atteints, la dose était mortelle.

    - Quelle horreur ! » s’exclamèrent Arnald et Cœlian tandis que Thomlar fermait les yeux. Le vieux comte s’interrompit, victime d’une quinte de toux qui semblait lui déchirer les poumons. Estelle se précipita pour le soutenir, essuyant son visage pâle. Il resta quelques instants, les yeux fermés, rassemblant ses forces pour continuer.

    - Je ne vais pas tarder à rendre mon âme à la grande Déesse. C’est pourquoi je veux vous révéler ce que j’ai appris. Jolande n’est pas qu’un baron rebelle de votre royaume. Ce qui se trame maintenant est autrement plus grave. Car la trahison a les mêmes origines que celle qui a séparé la Cité Lumineuse de l’Arkanie. Jolande n’est qu’un pion au service de Branag de Quervy.

    - Quervy ? s’affola le roi d’Arkanie. Mais, c’est impossible. Il est mort depuis près de neuf cents ans ! Le prince Aslyan l’a tué !

    - Non, Votre Majesté. Nous avons d’autres preuves. Il est revenu. Son dessein est toujours aussi limpide : devenir le maître absolu de Mystia.

    - Ne vous énervez pas, mon oncle ! murmura la jeune fille, inquiète de la pâleur de cire sur son visage. Gardez vos forces…

    - Non, Estelle ! Ils doivent savoir ! Jolande a cru que je me joindrai à eux. C’est pour cela qu’il m’a fait ces révélations. Mon dégoût l’a convaincu de me faire éliminer. Il espérait parvenir à un accord avec Tryer.

    - Jamais ! Jamais je n’accepterai de nous allier à ces traîtres ! hurla son fils. Et je tuerai ce Branag qui a déjà fait tant de mal à notre famille !

      Estelle se précipita.

    - Calme-toi, mon cher cousin. Je t’en prie, reste allongé. Tu es encore trop faible !

      Le comte de Queffelec soupira.

    - Mon fils a prononcé quasiment les mêmes paroles face à l’envoyé de Jolande. Mais par chance, il est quasiment sauvé. Ma douce nièce est arrivée à temps pour l’empêcher d’appliquer tout son poison sur la blessure de Tryer.

    - En effet, ajouta-t-elle. Et cet assassin n’a pas dû trouver son onguent très comestible, puisqu’il est mort avant de me donner son avis sur son goût !

      Arnald leva la tête pour étudier la jeune fille. L’éclair noir qui traversa ses yeux clairs lui donna un frisson. « Douce » n’était peut-être pas le qualificatif qui lui convenait le mieux en cet instant ! Elle avait vengé les victimes de cet empoisonneur avec panache ! Mais comment avait-elle pu prendre seule une telle responsabilité ? C’était une enfant !

    - Damoiselle Estelle, je ne voudrais pas vous être désagréable, commença-t-il, mais prendre la vie d’un homme est un acte extrêmement grave ! Étiez-vous bien sûre que c’était un assassin ?

      Elle se raidit.

    - Voyez-vous, prince, le pseudo guérisseur de Jolande étalait un onguent sur la jambe cassée d’un soldat. Drôle de méthode pour soigner une fracture ! Ce qui a éveillé ma méfiance, c’est que c’était son seul remède pour tout le monde… Alors, je lui ai fait avouer sa traîtrise : je l’ai menacé d’enduire l’entaille que je lui avais faite avec son soi-disant remède. Il s’est mis à m’implorer de n’en rien faire ! Il m’a même indiqué un antidote.

    - Vous l’avez tué quand même !

    - Mon oncle ne survivra pas, tout comme une vingtaine de nos hommes. C’était trop tard pour eux. Je n'ai aucun remord, sauf celui d’avoir fait confiance à cet… assassin !

      Le prince recula, comme pour se mettre à l’abri de sa colère. Le chevalier de Mandaly hochait la tête, il comprenait le désir de vengeance de la jeune fille, qui faisait écho à celui qu’il ressentait en songeant à l’assassin de sa mère et de sa sœur.

    - Arnald ! Ne juge pas trop vite. J’ai fait exactement pareil qu’elle, lorsque j’ai découvert l’espion qui essayait de tuer Majan ! lui rappela son père d’une voix fatiguée. Il a été pendu haut et court, sans autre forme de procès.

      Le jeune homme baissa la tête.

    « Je vous prie de m’excuser, damoiselle des Brumes. Vous avez l’air tellement jeune… Et… Je suis idiot ! Pardonnez-moi ! »

      La nièce du comte se détendit.

    - Je vous en prie, mon cousin a eu la même réaction que vous, avant de conclure que sa mort avait été trop douce.

      Arnald soupira.

    - Je vais sans doute vous paraître stupide et ignorant, fit-il, mais j’ignore qui est ce Branag dont vous parlez. Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

      Le roi d’Arkanie ferma les yeux et se tassa sur son siège tandis que Cœlian écoutait attentivement.

    - Branag de Quervy était un très grand sorcier, mon fils.

      Arnald et Cœlian écarquillèrent les yeux.

    - Un… sorcier ? Vous vous moquez de moi, mon père ! Les sorciers, ça n’existe plus !

    - Ce ne sont que des contes pour effrayer les enfants ! souligna Cœlian. La sorcellerie, ce n’est qu’une affaire de tours de passe-passe !

    - Non, princes impétueux ! souffla le comte. Vous vous trompez ! Les sorciers existent, mais ils sont très rares, depuis presque un millénaire. Je ne parle pas de guérisseurs plus ou moins charlatans, mais d’une classe à part d’êtres humains. Ils sont dotés de pouvoirs surnaturels qu’ils ont à la naissance et ne vieillissent pas.

      Arnald secoua la tête, incrédule.

    - Vous allez me faire croire qu’ils sont immortels !

    - Non, mon fils, continua le roi, il est possible de les tuer, mais pour cela, il faut une puissance supérieure à la leur…

    - Et notre ennemi serait un sorcier ?

    - Le plus puissant de tous. C’est par sa faute que les sorciers sont si peu nombreux. Il a décimé leurs rangs de même qu’il a exterminé les espèces draconiques.

      Le prince Arnald passa une main perplexe dans ses cheveux.

    - Les dragons ont vraiment existé ? J’ai toujours cru que ce n’était qu’une légende destinée à mettre en valeur le courage de notre ancêtre Aslyan d’Arkanie. Mais pourquoi ce sorcier s’en prend-il à nous ?

      Le roi d’Arkanie observa attentivement son fils. Le jeune homme semblait secoué par ce qu’il venait d’apprendre. Dans son regard brun brillaient des lueurs vindicatives.

    - Il y a près de neuf cents ans, Aslyan l’héritier du royaume d’Arkanie a voulu tuer Branag. Il l’a enseveli dans l’effondrement d’une montagne aidé par d’autres sorciers. Il a manifestement survécu, son ambition de dominer Mystia intacte, et sans doute prêt à se venger sur les héritiers d’Aslyan.

      Arnald resta muet, méditant sur ces paroles.

    - Tryer ? s’enquit soudain Cœlian, pourriez-vous m’expliquer le sens de vos paroles, lorsque vous disiez que ce… sorcier vous avait fait déjà tant de mal ?

      Le jeune homme blessé tourna son regard vers sa cousine. Elle pleurait silencieusement au chevet du comte qui déclinait à vue d’œil.

    - Regardez-la, chevalier, et vous comprendrez ! rétorqua-t-il. Estelle est orpheline depuis l’âge de dix ans. La sœur de mon père a épousé son père, Sandrun des Brumes. Ils se sont installés en lisière de la forêt Waryne. Un soir, lorsqu’elle avait dix ans, ce Branag est venu. Il s’est fait passer pour un voyageur errant pour obtenir l’hospitalité. Dans la nuit, il a tué les parents d’Estelle et enlevé son frère jumeau Mikalyas. Il l’a laissée pour morte, mais son père l’avait protégée d’un sort d’illusion, juste avant de succomber.

    - Je vous prie de pardonner ma maladresse, damoiselle Estelle ! s’exclama Cœlian, touché par les sanglots que la jeune fille ne parvenait plus à retenir. Je suis navré de réveiller en vous des souvenirs si douloureux.

      Elle essuya ses larmes d’un geste brusque avec un sourire tremblé.

    - Chevalier, ne craignez pas d’avoir réveillé ces souvenirs. Depuis le drame, ces images hantent mes cauchemars…

      Un gémissement soudain l’interrompit. Le comte de Queffelec se tordait de douleur sur sa couche. Estelle se pencha vers lui. Il agrippa sa main avec force.

    - Estelle ! Tryer ! Je vous en prie ! Protégez toujours la Cité Lumineuse !

    - Je vous le jure, mon père ! gémit Tryer.

      Horrifiés, les trois arkaniens virent le comte expirer dans un râle déchirant.

    - Non ! Mon oncle ! Non ! hurla la jeune fille.

      Tandis que le roi et le prince aidaient Tryer à se lever, Cœlian éloigna Estelle du corps. Il l’attira contre lui. Elle s’effondra contre sa poitrine, sanglotant de toute son âme. Profondément ému, il la berça doucement contre lui pour l’aider à se calmer.

      Malgré sa faiblesse, le nouveau comte de Queffelec parvint à s’approcher du lit de son père, soutenu par le prince Arnald. D’un geste tremblant, il ferma les yeux du défunt.

    - Arnald ! appela soudain le roi, de plus en plus pâle.

      Estelle tressaillit. Elle s’arracha des bras du chevalier.

    - Arnald ! répéta le roi. Dès ce soir, devant l’armée, je répéterai mon abdication en faveur de Majan. Je te désignerai comme régent. Je sais que je ne passerai pas la nuit. Je vais suivre de près le comte de Queffelec et nous traverserons ensemble les ténèbres de la mort.

    - Mon père !

    - C’est à toi que reviendra désormais la tâche de protéger Mystia. Ramène-moi au camp, je t’en prie. Damoiselle Estelle, comte Tryer de Queffelec, je vous présente mes condoléances.

      Entendant ces mots, le jeune comte s’appuya sur sa cousine pour se redresser.

    - Roi d’Arkanie, je vous remercie d’avoir accédé à la requête de mon père.

    Le roi hésita un instant.

    - Tryer, j’ai une faveur à vous demander. Je souhaiterais être brûlé ici, à la Cité Lumineuse, en même temps que votre père. Le permettrez-vous ?

    - C’est un grand honneur, Votre Majesté.

    - Merci. Je vous dis adieu, car je ne pense pas que nous nous reverrons. Adieu damoiselle Estelle !


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