À Koralia, les fêtes durèrent plusieurs semaines pour célébrer la chute du sorcier et un double mariage : la reine Iléane avec Rany de Mirel et Naéma d’Amariel avec Lorenzo de Kilmar. La joie était à son comble mais laissa place à une émotion profonde lorsque, pendant les discours, Karystean évoqua le sort mystérieux des dragons. Sandrun des Brumes ne parvenait pas à oublier le profond sentiment de culpabilité qui le rongeait.

  Il finit par quitter le palais, ne souhaitant pas inquiéter davantage son frère qui semblait ravi d’aider Lorenzo et Aslyan à maîtriser leurs pouvoirs conjoints d’ange et sorcier.

  Il lui avait déjà fait tant de mal. Pour pallier les effets néfastes du maléfice de Branag, Karystean avait partagé ses souvenirs avec lui. Sandrun ressentait donc jusqu’au plus profond de lui-même la grande souffrance qu’il lui avait causée en exécutant son ami et ange gardien. Il laissa ses pas le guider et se retrouva au pied de la bibliothèque de Koralia, une grande tour blanche qui dominait la cité. Une étrange sensation l’attira au dernier étage en sous-sol où on entreposait les archives en cours. Il pénétra dans une petite pièce sombre. L’impression de n’être pas tout seul le fit frissonner.

« Il y a quelqu’un ?

- Merci d’être venu à moi, Sandrun des Brumes… »

  Le sorcier poussa un cri d’effroi avant de reconnaître la silhouette évanescente qui s’avançait vers lui.

- Lyanis. Mais…

- Ce n’est pas mon corps que vous voyez, Sandrun, mais une simple projection de mon esprit. Je ne pourrais jamais assez vous remercier ! Votre contre-sort était la seule solution capable de contrer l’enchantement de Branag. Seul un Yphaste puissant et en pleine possession de ses moyens aurait pu le stopper complètement.

- Mais où êtes-vous, Lyanis ?

- Toujours dans la grotte, pétrifiée dans la roche. Seul mon esprit peut s’échapper. Cet endroit est l’unique lieu où il est visible et audible, ce qui me permet de parler avec vous. Mais, pour ce faire, je suis obligée de puiser dans votre énergie mentale, Sandrun. Je vole de votre temps. Quand notre conversation sera terminée, il se sera écoulé plusieurs jours sans doute, je préfère vous prévenir.

- Peu m’importe ! Que puis-je faire pour vous, Lyanis ?

- Rien. Le seul à pouvoir m’aider est Lauréan. À la disparition de Branag, l'unique information que j’ai ressentie est qu’il l’a enfermé dans la Cité Interdite. Essayez de trouver ce dont il s’agit, et restez vigilant, Sandrun. Branag n’est pas mort, j’en suis sûre, je perçois son aura maléfique, très affaiblie cependant. Il reviendra. Purée, les méchants c'est increvable. J’ai eu une vision de l’avenir… Mais gardez tout ça pour vous. Inutile d’effrayer l’Arkanie. Le retour de Branag ne se fera pas avant quelques siècles.  Essayez juste de trouver la Cité interdite et faites circuler la rumeur d’une prophétesse dans la grotte. Cela me permettra d’avoir un peu de visite de temps en temps. Adieu, Sandrun, je n’ai plus assez de forces pour…

- Non, ne partez pas ! »

  Il regarda avec désespoir la silhouette de la guérisseuse s’estomper avant de remonter lentement à la surface. Il garderait ce lourd secret pour lui et serait vigilant. Toute sa vie immortelle de sorcier, il la consacrerait à rechercher les deux dragons pour réparer ce qu’il considérerait toujours comme sa trahison.

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   Dans la montagne, à quelques kilomètres de la grotte de Lyanis, un minuscule lézard vert regagna son trou. Dans son regard, une étincelle sombre aurait paru de fort mauvais augure à tout humain qui l’aurait observé à ce moment précis. La seule créature vivante disponible à proximité au moment de la chute du rocher était ce misérable reptile. Et avant d’avoir suffisamment d’énergie pour se transférer dans une créature plus grosse jusqu’à retrouver une enveloppe humaine, il lui faudrait du temps, beaucoup de temps. Mais Branag avait beaucoup de patience… 

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