• Chapitre 16

      La nuit fut un vrai calvaire pour Lorenzo qui se sentait le réceptacle de toutes les émotions possibles et imaginables. S’il gardait les yeux ouverts, les étoiles qui scintillaient lui rappelaient qu’il passait sa dernière nuit sur la Terre, qu’il abandonnerait au matin le monde où sa mère était morte, où son père avait été exécuté, où il était en danger de subir le même sort… Mais où il avait toujours vécu… Sans compter qu’il avait bien compris, dans les sous-entendus de son amazone, qu’il allait tomber en plein chaos. Il devait chasser un sorcier du trône d’Arcadie… Non, d’Arkanie, c’était plutôt ce nom-là… Lutter contre un sorcier… Et lui serait un ange… C’était Naéma, son ange ! Il n’avait qu’à fermer les yeux pour revivre son apparition au pied du bûcher. Elle avait libéré son père du martyre. Son besoin de la protéger à son tour était de plus en plus fort. Et autre chose de plus. Dans son esprit flottait l’image de son regard si clair lors de son serment d’allégeance, son corps souple de guerrière qu’il rêvait d’étreindre…  Il ne savait pas comment elle réagirait, si elle savait. Elle semblait tellement investie dans sa mission qu’elle ne voyait rien d’autre. Il ne ferait sans doute que la mettre mal à l’aise…

      Il entendit bouger de l’autre côté du feu. Les yeux mi-clos, il vit l’objet de ses pensées se redresser brusquement, le souffle court, en regardant vers lui.

    « Naéma ? Que se passe-t-il ?

    - Je vous ai réveillé, mon seigneur ? Je suis navrée, je vous en demande pardon…

    - Non, je ne parvenais pas à dormir. Mais, vous pleurez ?

      Elle essuya ses yeux d’un revers de main, encore troublée par sa vision macabre.

    - J’ai fait un cauchemar, seigneur Lorenzo… Vous étiez sur le bûcher. J’étais arrivée trop tard. Ce prêtre riait si fort devant votre supplice… Vos hurlements… J’en ai encore la chair de poule…

    - Mais vous êtes arrivée à temps, Naéma. Je suis ici, et bien vivant !

    - Ça avait l’air si réel… » Elle se dressa d’un bond, aux aguets. « Mon seigneur ! Entendez-vous ? »

      Lorenzo sursauta lorsque les sons parvinrent à son oreille. Un groupe de cavaliers chevauchait dans la forêt, sans aucune précaution pour se dissimuler.

    - Ils nous ont retrouvés, messire Lorenzo ! Mon cauchemar… Vous ne devez pas tomber entre leurs mains ! Je dois vous sauver ! »

      Ils empoignèrent leurs épées, mais en vain. Rapidement, les mercenaires les encerclèrent, les menaçant de leurs arcs. À leur tête, Monseigneur Alfonso Rivoli les toisait d’un air à la fois narquois et méprisant.

    - N’avez-vous donc aucune parole, Rivoli ? dit Lorenzo avec lassitude. Je vous imaginais homme d’honneur…

    - Quel honneur ? Un serment tenu devant un suppôt de Satan arraché sous la contrainte n’a aucune valeur ! Emparez-vous de lui ! »

      Naéma voulut s’interposer pour protéger son suzerain, mais elle fut immobilisée par derrière tandis que Lorenzo essayait de se défendre contre trois épées. Elle se dégagea brusquement, envoyant son agresseur en arrière d’un violent coup de pied dans le bas-ventre. Mais à vingt contre deux, la lutte était trop inégale. Ils se retrouvèrent ligotés et jetés comme de vulgaires paquets sur le sol. Naéma avait été sonnée par un violent coup de poing. Une entaille près de son œil saignait doucement. Lorenzo s’effraya de voir qu’elle ne bougeait plus.

    « Naéma ? Répondez-moi ! Je vous en supplie ! »

      Elle entrouvrit un œil, groggy.

    « Mon seigneur, j’ai failli à ma tâche une fois de plus… Pardon ! J’aurai dû vous protéger contre votre gré ! J’aurai dû tuer ce prêtre tant qu’il en était encore temps !

    - C’est de ma faute, Naéma ! coupa Lorenzo. Ma seule et entière faute ! Nous aurions dû partir hier soir ! »

      L’inquisiteur après avoir ordonné que leur camp soit fouillé s’approcha des jeunes gens.

    « Je vais enfin pouvoir m’occuper de vous sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit ! Un sorcier détenteur de la pierre philosophale et un succube impie… ricana-t-il.

    - C’est quoi, un succube ? murmura la jeune fille.

    - Un démon pervers et impudique, qui offre son corps pour tenter les pauvres pécheurs ! Voilà ce que tu es ! » affirma Rivoli d’un air mauvais. « Et Lorenzo doit être un incube, lui qui a abusé de quasiment la totalité des femmes de son village ! Quand j’aurai obtenu ce que je désire, vous serez brûlés vous aussi. Je disperserai moi-même vos cendres dans cette forêt maudite ! »

      Lorenzo ferma les yeux. Finalement, son père avait raison : ses frasques allaient lui coûter cher.

    « Mes braves soldats, je pense que vous avez bien mérité une petite récompense pendant que je discute avec ce sorcier ! Elle est à vous ! »

      Les mercenaires ne se le firent pas dire deux fois. Ils se précipitèrent vers Naéma. Elle essaya une fois de plus de rompre ses liens, sans succès. Un gémissement d’horreur lui échappa en sentant les mains des soudards glisser sous ses vêtements.

    - Admire, Lorenzo, le sort réservé à cette démone ! Quand j’en aurai fini avec toi, peut-être qu’ils aimeront s’occuper de toi également ! »

      Sans écouter la fin de la phrase, le jeune homme se mit à trembler de rage. Les gestes obscènes des soldats qui déchiraient les vêtements de l’amazone, le rire de Rivoli amplifièrent sa colère. Lorsque l’un d’entre eux osa écraser sa bouche sur les lèvres de Naéma, il se sentit envahi d’une puissance infinie, un peu comme lorsque elle lui avait murmuré l’incantation à l’oreille pour lui permettre de se libérer, ou lorsqu’il avait reçu son serment d’allégeance. Mais cette sensation était comme démultipliée. En une fraction de seconde, il comprit ce qu’il avait à faire s’il voulait la sauver. Il laissa l’énergie étrange se répandre dans tout son corps avant de crisper brusquement les poings. Un halo de lumière bleue l’entoura, brillant si fort que la clairière s’en trouva complètement illuminée. Ses liens se désagrégèrent tandis qu’il laissait libre cours à sa fureur. L’envoyé du Vatican recula d’un pas, soudain terrorisé.

    - Tu voulais lutter contre un démon, Rivoli ! En voilà un devant toi ! Allez ! Lance-moi tes prières censées mettre les diables en déroute ! Alors ? De quoi es-tu capable face à quelqu’un que tu n’as pas réduit à l’impuissance ? Tu recules ? Espèce de lâche !

    - Alerte ! Le sorcier s’est libéré ! hurla ce dernier. Tuez-le ! Vite !

      Comme dans un rêve, Lorenzo leva la main vers les soldats qui se jetaient sur lui. Il les pulvérisa les uns après les autres d’un trait de sa lumière bleutée. Rivoli tenta de s’enfuir devant le carnage mais Lorenzo le rattrapa rapidement. Il le força à faire face.

    « Tu as brûlé mon père et pourtant je t’avais laissé une chance de te repentir… murmura-t-il. Je pense qu’il est désormais juste que tu périsses par là où tu as péché. Toi qui aimais tellement brûler les gens, tu vas vivre de l’intérieur l’enfer que tu leur as fait endurer ! »

      Sous les yeux froids du jeune homme, l’inquisiteur s’embrasa brutalement en hurlant. La lumière bleue disparut lorsque Lorenzo se détourna de la torche humaine. Il tomba à genoux auprès de la jeune fille pour défaire ses liens. Elle voulut se redresser mais il ne lui en laissa pas le temps. Il la serra contre lui, avec force, comme pour l’empêcher de s’enfuir. Elle se laissa aller dans les bras accueillants, tremblante de peur rétrospective. Elle ne s’était jamais sentie aussi impuissante. Elle s’accrochait à lui comme à une bouée et Lorenzo ne relâcha pas son étreinte, caressant doucement ses cheveux sombres pour l’apaiser.

    « Pardon, Naéma. Ma stupidité a failli vous coûter si cher ! J’ai tellement honte de ma naïveté… Si seulement je l’avais tué ! Vous ont-ils fait du mal… »

      La gorge serrée par le contrecoup de l’émotion, elle se mit à pleurer doucement dans ses bras.

    « Non, mon seigneur, ils n’ont rien eu le temps de faire. Mais vous ne devez pas me demander pardon. C’est moi qui ne suis pas digne de la mission qu’on m’a confiée. Je n’ai pas su vous protéger !

    - Naéma ! Cette fois, ça suffit avec cette mission ! Vous êtes cent fois plus digne que moi de n’importe quel honneur ! Vous avez largement prouvé votre valeur, ne serait-ce qu’en me sauvant du bûcher ! Alors que moi, j’ai failli causer votre mort par mon attitude pusillanime… Nous aurions dû partir hier, comme vous le souhaitiez.

    - Messire de Kilmar, nous ne devons pas rester là ! » sursauta-t-elle brusquement, reprenant ses esprits. « Imaginez donc qu’ils ne s’agisse que d’une avant-garde !

    - Vous avez raison… murmura Lorenzo en la relâchant à contrecœur.  

    - Il reste un dernier détail à régler. Répétez après moi ! »

      Elle récita quelques syllabes que le jeune homme prononça docilement.

    « Maintenant, vous parlez la langue arkanienne. Regardez, le portail est là ! »

      Lorenzo frissonna : les mots inconnus se traduisaient dans sa tête, dévoilant leur sens au fur et à mesure qu’elle les prononçait. Naéma tenait les rênes de leurs deux chevaux d’une main ferme. Elle les tira dans la caverne tandis qu’il restait immobile. Elle comprit qu’il faisait ses adieux au monde qui l’avait vu grandir.

    « Ça va aller, seigneur Lorenzo ? »

     Il regarda en arrière une dernière fois, puis la suivit avec détermination. Désormais, plus rien ne le retenait ici.

    - Avec vous, toujours, amazone ! » fit-il avec un sourire un peu triste. « C’est ça, le portail ? » demanda-t-il en avisant un gigantesque cristal taillé en octaèdre. « Croyons-y très fort alors ! »

      Il entoura de son bras les épaules de Naéma et posa la main sur le minéral qui luisait dans la pénombre bleutée de la grotte de l’Ours.

     


  • Commentaires

    1
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 17:49

    Purée, mais tu vas arrêter d'essayer de toujours les violer ces pauvres filles, bon sang ! ils sont morts de faim ou quoi dans tes univers ces mâles, ils ont pas de quoi aller se vider les **** aux p**** ! Rah, mais, alors !

    2
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 20:22

    Raaaaah j'ai vraiment eu peur, vile sadique !! *reprend son souffle*
    Heureusement que Lorenzo était là <3 *va vraiment monter un fan club pour Lorenzo et un autre pour Naéma :p*

    3
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 21:03

    @Link: en fait, je crois que je vais demander une psychanalyse à ce sujet T_T

    @Kallaria: j'en suis, des fan clubs!

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :